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écriture Mézavi <   |   >

Encouragé par l’enthousiasme de Jean Dubuffet à la lecture du manuscrit, Mézavi est initialement publié en 1975 aux Éditions Oswald puis en 1979 au Cheval d’attaque. Dubuffet accepte “avec grande joie et grand honneur” de faire la couverture et fournit deux dessins. Le second (à droite) a été utilisé pour la réédition de Mézavi chez Beaudoin Lebon Éditeur en 2001.


Postface de l’auteur

Pour remercier le lecteur de l’attention délicate qu’il a peut-être dû fournir pour suivre mon petit héros jusqu’au bout, jusqu’à cette planète curieusement constituée de tissu mammaire (pointes à l’endroit puis à l’envers), je lui dévoilerai les rouages essentiels qui ont régi l’écriture de MEZAVI.

L’idée initiale fut celle d’un roman en langage bébé.

Mais il n’existe encore aucun glossaire, grammaire, etc. de ces charmants gazouillis et babil. Et il m’apparut vite que les rares travaux scientifiques - anglo-saxons et donc « intraduisibles » - ne m’apporteraient pas de base suffisamment valable.

Cependant mes investigations m’amenèrent à rencontrer Nicolas Ferry, célèbre nain du roi Stanislas. Je pus même aller lui serrer la main dans sa vitrine sise au Palais de Chaillot… Nicolas Ferry, que l’on maria à une demoiselle au prénom de Barbe, avait lui pour surnom « Bébé », car il ne put jamais apprendre l’alphabet au delà de cette seconde lettre alors répétée comme à plaisir (comme par malice ?). D’où le rôle capital que devraient jouer les chiffres (le rythme) 1-2, ainsi que les mots a) tautosyllabiques et b) ceux comportant deux fois la consonne B.

Après élimination de trop nombreux noms propres et de quelques dérivés, j’aboutis à l’établissement de 2.222 fiches : soit 1.111 par catégorie. Je les classais aussi dans un ordre de difficulté phonique et convins pour structurer, dynamiser l’ouvrage à naître, de les utiliser selon certaines cadences. Restait à trouver le jeune enfant susceptible d’en faire d’innocente façon usage véritable. Faute d’en avoir un à ma disposition, et par manque du temps nécessaire, il me fallait envisager son remplacement… Quand, par le plus grand des hasards, je découvris sur le Zattere à Venise dans une échoppe, mon sujet : ce poupon mécanique en baby-trott.

Et voilà ! je me jetais « à l’espace ».

Le premier jour les 2.222 fiches ou cartes étant étalées dans le salon, leur côté vierge constellant la pièce vidée de ses meubles. Poitrol marcha, marcha dessus, m’en sortit une (bibreuil) coincée sous ses talons.

Son odyssée, son univers ou livre commençait.




Puis ce fut le tour de 2 sur un groupe de 111, de 11 sur un groupe de 222, etc., etc. Evidemment cela n’alla pas sans quelques problèmes. Ainsi, bien mélanger les cartes afin qu’elles possèdent toutes une chance égale (une place centrale ou par exemple les coutures de la moquette s’avérant être un handicap); de litigieuses (rappelons que de chacune dépendait l’ensemble à venir; parfois Poitrol, brasseur lui aussi, mettait une soirée entière pour en extirper une trentaine !; les reclasser les réétaler, etc.; des visiteurs inopinés; un membre de la famille débarquant, et qui accepta mal que l’accès de la pièce principale de la maison lui soit périodiquement interdit durant son long séjour ; ce bruit lancinant de moteur à pile…

Mon épouse fut-elle obligée de m’aider dans cet approvisionnement et surveillance de la machinerie. Mais quelle exaltation, lorsque descendu dans mon bureau, je retournais enfin, presque en tremblant, une par une les fiches fraîchement tirées.

L’utilisation extemporanée et chronologique de l’inconnu, de mots si souvent compliqués, corpusculaires, m’astreignit à des prouesses ! L’imagination galvanisée était devenue leur jouet, le mien… Combien d’épineuses surprises, ou de concordances étonnantes, délectables.

Je m’imposais également un minimum de plusieurs heures d’écriture quotidienne pour conserver cet état vital de jubilation acrobatique. Sachant seulement que des moyens non-ordinaires et pour le moins teintés d’humour, ne sauraient produire qu’une histoire échappant aux critères habituels, se situant ailleurs…

Ces explications ont-elles de l’intérêt ? Je l’espère,… dans la mesure surtout où elles susciteraient quelques émules soucieux de renouvellement ! Un ou deux conseils à leur usage. Ne pas lésiner sur les moyens à condition qu’ils répondent au thème choisi. Peut-on concevoir se servir du mouvement des marées (bouteilles à la mer), des tourbillons du fleuve Amour, de pigeons voyageurs, d’arbres perdant « leurs feuilles », du vent, de parachutes, de canons, de geysers, toutes sources d’énergie naturelle –mieux en inventer – capables d’expression.

Quant au fichier préalable, alors là : encore plus de liberté, d’aléatoire. « Programmer » des substantifs, des verbes, des adjectifs, des formules laissées pour compte (tout comptera), honnies, savantes, idiotes, sans rapport, dont on a peur, honte, envie. Orgie… D’un sens comme de l’autre,et si l’on respecte les clauses, le résultat sera imprévisible. Comme pour ce peintre somnambule qui emploierait à son insu des couleurs criardes, inédites…

Illettrés de n’importe quel bord, timide des mots, prenez votre revanche. Amusement au beau instable.
À vos mécaniques de l’inattendu ! À vos combats ! Babebibobu !

JOINUL, Quimper-Corentin le 5/6/74

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